Jeunesse et démocratie locale
Lieu d’accueil : Nort-sur-Erdre,
Maison de l’Emploi et de la Formation Date : 11 mai 2021
Contexte et Enjeu
André Durand, Responsable de Service, Maison de l’Emploi et de la Formation, Nort-sur-Erdre
Nort-sur-Erdre n’est pas une commune avec un secteur d’activité principal comme à Saint-Nazaire.
Territoires Apprenants va permettre de suivre le développement de la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC).
L’objectif est de créer des conditions favorables pour un développement du territoire autour des compétences.
Xavier Lemonde, animateur Webinaire, Directeur de l’Université Européenne des Senteurs et des Saveurs
La question sur la démographie et la jeunesse est d’actualité puisqu’un rapport de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire (INJEP) dit qu’il y a une méfiance des jeunes envers la politique, aux gouvernements non démocratiques… Nous allons donc chercher à s’intéresser aux actions de terrain et prévenir les risques auxquels se confronte la démocratie par la formation et l’apprentissage.
Intervention de Alexandre Ginoyer et Patrick Waeles, Président et Vice-Président du Comité Mondial pour les Apprentissages tout au long de la vie
Alexandre Ginoyer : Le Comité Mondial pour les Apprentissages tout le long de la vie est partenaire de l’UNESCO depuis 2005. Notre spécificité est de s’intéresser aux apprentissages que toutes personnes devraient acquérir tout au long de la vie dans un continuum d’apprentissage. Il y a des apprentissages formels et informels au-delà de l’école. La question est :
– Qu’est-ce que l’environnement peut proposer comme apprentissage pour chacun ?
– Comment peut-elle être éduquée sur le territoire ?
Depuis longtemps on s’intéresse aux territoires apprenants car on a été sollicité sur le rôle du numérique. On s’est rendu compte que c’est dans un lieu où les gens se rencontrent physiquement qu’il se passe des choses qu’il ne peut pas y avoir sur internet. Notre rôle est de provoquer tout ce qui peut aider et faciliter ce que l’humain va pouvoir apprendre tout au long de la vie.
Xavier Lemonde : Est-ce une action de programme d’accompagnement au niveau mondial ? Avez-vous des exemples de chantier ?
A.G. : On s’efforce d’être mondiaux, on travaille avec la Chine, avec l’Europe. Nous avons un programme sur le digital, une expérience sur plusieurs pays pour donner une inclusion a des jeunes qui n’ont pas d’emplois.
On organise également un forum mondial qui permet à tout le monde d’échanger. On voit sur nos tours de table, que plus il y a de variété plus c’est intéressant. Il faut plusieurs acteurs avec le même objectif.
X.L. : Pouvez-vous nous éclairer sur les notions d’insertion, d’intégration, d’inclusion ?
Patrick Waeles : L’insertion c’est trouver une place, l’intégration c’est trouver une place dans le monde dominant, l’inclusion c’est faire mutuellement un pas vers l’autre, c’est un système de rencontre, il faut que l’on trouve un intérêt commun, co-construire. Dans l’idée d’inclusion, on pense que chacun a une part dans une solution. On doit faire du commun dans la diversité pour avancer.
X.L. : En quoi le territoire est la bonne échelle d’inclusions ?
P.W. : Les environnements des jeunes sont imposés par les systèmes de formations qui amènent les personnes à gagner des compétences. Dans la logique apprenante on va changer l’environnement pour que l’apprentissage se passe autrement. On quitte le champ de l’action où la personne est le centre.
Territoires Apprenants vise à changer la donnée pour devenir le moteur de l’apprentissage collectif. Il faut trouver une solution ensemble par le dialogue où nous apprendrons de nouvelles façons de penser. Même si nous ne sommes pas d’accord au départ, car c’est ce qui nous fera avancer collectivement. C’est pourquoi le territoire est l’échelle idéale.
A.G. : C’est important d’avoir une histoire dans un territoire, mais ça ne suffit pas pour faire un projet de développement. Les moyens c’est bien mais ce n’est pas suffisant pour faire le développement. Ce qui fait territoires apprenants c’est un projet.
Il faut certes que les territoires aient des ambitions, mais il faut que tout le monde agisse ensemble, il faut que dans un territoire apprenant il y ait de l’innovation, c’est ça qui permet la sérendipité.
Intervention de Philippe Dugravot, Président de la Mission Locale Nord Atlantique
Philippe Dugravot : Il y a une nécessité d’accès à l’emploi et à la formation, qui sont devenues des missions locales. Cette mission locale couvre 49 communes, 4 intercommunalités : Châteaubriant/Derval, Nozay, Blain, Erdre et Gesvres et Ancenis.
On rappelle qu’il y a 30% de jeunes de moins de 20 ans en Erdre, et c’est un département qui augmente en termes de population. Le rôle de la mission locale, qui est une structure associative, est de trouver sa place dans le service public de l’emploi. Nous sommes en lien avec des partenaires associatifs, locaux.
En 2020 est mis en place le dispositif “un jeune, une solution”. C’est un plan qui a pour objet, de ne laisser aucun jeune au bord de la route, et d’inclure les jeunes qui sont dans des situations difficiles et éloignées de l’emploi. La mission locale vise à repérer ces jeunes, les accueillir, orienter vers des actions de formation, vers l’emploi, l’accompagnement à la construction d’un parcours professionnel, et appuyer au recrutement.
Aujourd’hui la situation sanitaire est un élément important et obligatoire à prendre en compte. Certains publics étaient dans une situation difficile, et le sont encore plus depuis la crise sanitaire en cours par manque d’accès à l’outil numérique par exemple. Ces derniers se sont éloignés de l’aide que nous pouvions apporter. Nous devons remonter le courant pour reprendre ce public.
X.L. : Y-a-t-il des spécificités sur votre action locale ?
P.D. : On a des territoires contrastés avec des enjeux différents entre l’entrée de Nantes et le nord de la Loire-Atlantique. A Nantes il y a plus de métiers du numérique alors qu’au nord c’est plus des métiers ruraux, industriels, et dans le bâtiment. On met en place le Dispositif Garantie Jeune qui vise à les accompagner. L’essentiel de notre action est un travail de partenariat qui nous permet d’organiser des actions de formation. Ce dispositif permet une aide à les former, les accompagner et les orienter vers le projet professionnel. On met en place aussi un parcours d’accompagnement pour amener à des actions de formation et des actions vers l’emploi.
X.L. : Le secteur entrepreneurial est-il actif ? Comment lier des partenaires ?
P.D. : On a la chance d’être sur un territoire où on connait nos interlocuteurs. Les entreprises répondent présentes à ces initiatives. Pôle Emploi et la Mission locale sentent que l’avenir des entreprises ne peut être dissocié des enjeux liés aux jeunes. Il faut former ces jeunes générations. L’année dernière nous avons eu une soixantaine d’entreprises qui se sont impliquées pour amener les jeunes à des contrats de travail. On a au quotidien des démarches actives et dynamiques à travers des déjeuners, des rencontres individuelles. C’est de cette manière et par le repérage des jeunes qu’on parvient à établir cette relation avec les milieux locaux et professionnels.
X.L. : Comment voyez-vous évoluer la demande des jeunes ?
P.D. : On a deux catégories de public. Un dans une démarche de formation et de professionnalisation qui vont aller dans le sens que l’on poursuit dans nos missions. Puis on a des personnes sans formation initiale qui n’ont pas forcément de projets. On a une proportion de jeunes qui se détournent de l’emploi car ils ont l’impression que l’emploi n’est pas pour eux. On a un travail de sensibilisation à faire au quotidien pour les concerner.
On a des besoins dans tous les domaines de l’artisanat, du numérique, et de l’agriculture. Pour tous ces profils, la sensibilisation est à faire avec des catégories de publics différencié.
X.L. : Quel est le lien des missions locales avec les organismes de formation ?
P.D. : L’échelle du territoire est l’échelle pertinente. Dans notre département on a le Comité Local, Emploi, Formation, et Orientations Professionnelles (CLEFOP), qui est présidé par les préfets, et qui associent l’ensemble des partenaires concernés par les enjeux professionnels. Grâce à ce CLEFOP, on va pouvoir mener des actions sur nos territoires.
Intervention de Robert Jouan et François-Xavier Lamotte, Co-Présidents du Conseil de Développement d’Erdre et Gesvres
Robert Jouan : Le Conseil de Développement d’Erdre et Gesvres a un statut associatif. En 2013, changement de cap au Conseil d’Administration d’Erdre et Gesvres. On a été chercher des femmes pour les intégrer. Maintenant ce sont les jeunes, car on ne les voit nulle part.
Notre projet associatif a été conçu autour de 4 valeurs : la citoyenneté / la liberté d’expression et l’ouverture d’esprit / l’écoute et le partage / le respect et la courtoisie.
En 2019 on s’est donné un cap : Co-construire un futur qui soit désirable, solidaire, et durable, en étant facilitateur des transitions, qu’elles soient sociétales, économiques, écologiques, énergétiques, et avec l’ensemble des acteurs d’Erdre et Gesvres. Et cela prend forme notamment auprès des jeunes.
François-Xavier Lamotte : Les jeunes ne sont pas enclins à répondre aux questions de société, on est allé dans les écoles et cela n’a pas trop fonctionné. Puis au sein du lycée agricole de Nort-sur-Erdre s’est développé un partage de valeurs communes, et on a décidé de rentrer en action sur les transitions qu’ils vont devoir vivre, pour que cela soit productif. On a constitué des groupes de réflexions avec des jeunes du lycée, afin d’ajouter la voix de ces derniers. Il y a un retour aux élus qui a été positif et ils sont même demandeurs aujourd’hui.
X.L. : Pouvez-vous illustrer un élément soumis au regard des jeunes ?
F.-X.L. : Par exemple, on a traité la problématique du numérique, qu’est ce qui va changer dans les métiers de demain. Contrairement à ce que l’on croit, ils ont des difficultés à se projeter dans les métiers de demain en lien avec le numérique. Nous avons emmené ces jeunes au CNAM de Nantes dans un espace mis au point pour se projeter dans l’avenir, et le travail était de les mettre dans un contexte où nous sommes en 2100, il n’y a plus de place sur Terre et il faut aller créer de l’habitat sur la Lune. Nous avons posé la question aux jeunes de lister les métiers dont ils auraient besoin sur la Lune… Nous sommes allés ensemble dans une ferme bio pour montrer la vie d’une ferme bio, puis nous les avons mis en situation de conseil municipal, chacun avec un rôle, et l’objectif était d’ouvrir un marché de producteurs dans le territoire. L’idée était de les faire débattre des questions ensemble. Cela amène les jeunes à se positionner face aux problématiques comme des adultes.
Et systématiquement, à chaque rencontre, on leur passe une commande pour les responsabiliser et on leur demande de produire des idées, et elle est nécessaire pour porter leur voix auprès des élus.
X.L. : Vous intéressez-vous à faire du territoire un territoire apprenant ?
F.-X.L. : Pour faire le lien entre territoires et apprenants et la jeunesse, on ne peut pas se passer de leur réflexion. Ils nous ont appris sur nous-même. Quand on est avec eux, on se met en position de facilitateur. Ils sont complètement conscients de ce qui se passe sur le climat, nos missions leurs permettent de s’exprimer sur ces questions. On vise aussi les parents à travers le partage d’expérience et de préoccupation de leurs enfants.
En conclusion
Brigitte Gehin, Chargée de projet, Pole développement, Union Nationale des Maisons Familiales Rurales
L’objectif est de surtout vivre ensemble. Le territoire doit être vu comme environnement, lieu de vie et espace d’action. Chaque personne doit s’y sentir appartenir pour favoriser la rencontre. Il faut réfléchir à comment promouvoir le territoire, la responsabilité de ces jeunes sur ces espaces, et la place qu’on leur laisse.
René Caspar, Consultant sur Territoires Apprenants
Il faut changer de posture, passer du sachant au facilitateur. Il faut se mettre en position de recevoir un citoyen potentiel de son territoire. Il connaît la situation précise de son territoire, car il y a vécu… On va s’intéresser à ce qu’il a observé et ce qu’il a vécu. Il faut que les institutions couvrent les besoins des entreprises locales. La plupart des jeunes en décrochage ne restent pas dans les métiers que l’on propose.
Au Canada, les institutions partaient du plaisir au désir des jeunes pour arriver à une adéquation avec les emplois à pourvoir via des formations ce qui paraît être une hérésie en France. Il ne faut donc pas mettre ces gens dans un moule, il faut faire émerger ce que les gens ont en eux pour créer des emplois pérennes et pas seulement salariés. Il faut également apprendre aux gens à apprendre ce qui facilitera leur apprentissage de compétences.
La véritable question est de savoir appuyer et accompagner tout ce qui bouge sur un territoire.